La ville durable, une histoire déjà longue. Impact d’une loi « Solidarité et renouvellement
urbain-Sru, 2000 », où les collectivités expérimentent les principes de la ville durable :
lutter contre l’étalement urbain, le renouvellement de la ville, la proximité des services, des commerces, des emplois, des loisirs.
Depuis quinze ans, l’État accompagne ce changement en développant des politiques sectorielles incitatives en matière de logement, d’énergie, de biodiversité, de stratégie de développement durable, de développements des écofilières, d’innovation. Les premiers ÉcoQuartiers labellisés évitent le piège des quartiers d’exception “pour les riches, pour les grandes villes, pour le neuf”. En effet, la mixité sociale y dépasse les 30 % en moyenne, les projets se développent sur des zones déjà urbanisables et dans des villes de toutes tailles. Mais les avancées sont trop lentes, rarement évaluées, voire peu médiatiques. C’est en Suède (quartier Hammarby, Stockholm), en Allemagne (quartier Vauban, Fribourg), aux Pays-Bas (ÉcoQuartier GWL-Terrein, Amsterdam) que les décideurs mondiaux vont voir la ville durable. La France déborde d’initiatives, mais ne dispose pas de projet emblématique donnant à voir.
Un rapport d’opportunité et une mission du Premier ministre
Fort de ce constat, le rapport du conseiller d’État, Roland Peylet, remis au gouvernement le 30 octobre 2014, a ainsi mis en évidence l’intérêt stratégique de renforcer en France l’approche partenariale de la ville durable, préconisant notamment la création d’une structure dédiée.
« La principale mission [de cette structure dédiée] sera d’assurer le soutien, la coordination, la synthèse, la capitalisation et la diffusion des initiatives, en bref de former le bras de levier de la politique publique de la ville durable. Transversal dans ses approches, il sera à la disposition de tous les acteurs concernés agissant chacun dans le cadre de ses attributions et facilitera en ce sens la coordination entre eux. Il assurera pour leur compte l’initiation de projets et le suivi et l’évaluation de ceux-ci, afin de valoriser les savoir-faire éprouvés en France, de les exporter et d’en susciter de nouveaux. Il effectuera la capitalisation des données recueillies afin de mesurer la contribution des opérations d’aménagement durable à la transition énergétique et écologique des territoires. »
Suivant ses recommandations, le Premier ministre a confié au directeur général de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) le soin de préfigurer l’Institut pour la ville durable (IVD). Une équipe pluridisciplinaire issue de l’administration, de l’Anru, de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), de l’École des Ponts, de la FEDEPL (Fédération des entreprises publiques locales) a été constituée pour animer une vaste concertation et proposer une feuille de route collective.
Les attentes des acteurs de la ville durable
Les entreprises veulent démontrer le savoir-faire français en matière de ville durable et ont mis en évidence des blocages réglementaires et techniques sur les sujets émergents de la conception et la gestion urbaines (ville numérique et collaborative, nouveaux services, nouveaux modèles économiques). Les collectivités, comme les entreprises, souhaitent être conjointement accompagnées pour redéfinir des objectifs de services urbains notamment en
mode “performance” au sein de la commande publique. En lien avec ce besoin de faire émerger des “vitrines”, il est primordial de donner à voir, d’échanger les bonnes pratiques, de promouvoir les projets dans les territoires et d’analyser les conditions de réussite. Il faut que chacun puisse bénéficier des innovations les plus matures et des expériences qui méritent d’être diffusées. Il s’agit de faire converger notre expertise en une grille de lecture et de
compréhension partagée et d’assurer une meilleure articulation des outils, méthodes, financements et données disponibles afin de démontrer la performance des projets. La ville durable nécessite une montée en compétences de l’ensemble des acteurs et de faire le lien avec la recherche et la formation. Il s’agit bien d’assurer des passerelles entre le monde académique de l’enseignement et de la recherche, les collectivités et les acteurs économiques, pour suivre ensemble des projets opérationnels au service de leurs ambitions et d’éléments de prospective. Les actions de valorisation internationale portées par Business France, l’Agence française de développement, Expertise France et le PFVT (Partenariat français Ville et Territoire) doivent s’appuyer plus directement sur les projets conduits en France. Par une mise en commun et une veille collective sur les expériences des entreprises françaises, il sera plus simple de coordonner la présence française sur les événements internationaux et d’organiser les actions de promotion à l’export, en confortant pour ce faire, la marque Vivapolis.
Les conclusions de la mission
Pour répondre aux attentes de l’ensemble des acteurs, il est proposé de créer une structure dédiée, temporairement dénommée « Vivapolis, l’Institut pour la ville durable », réconciliant l’interne et l’international. Le but est double : fédérer un réseau des acteurs intéressés aux questions de ville durable et organiser des travaux. Pour cela, le réseau organisera la représentation des ministères et de leurs établissements publics, des collectivités et des associations d’élus, ainsi que des acteurs privés concernés et de l’ensemble de l’expertise des autres acteurs de la ville. Les missions de ce nouveau réseau seront organisées autour des quatre champs d’intervention que sont l’innovation, la capitalisation, la recherche-formation et la valorisation internationale. La gouvernance élargie permet à tous les acteurs de participer à la définition d’un programme de travail partenarial, d’identifier les sujets prioritaires permettant aux acteurs de se positionner et de coordonner leurs actions. Du point de vue de la structuration de ce réseau, il pourra s’appuyer sur une association permettant la mobilisation des moyens dédiés à l’expertise et à la conduite du programme de travail partenariat. Il s’agit à travers elle de mutualiser des ressources qui seront principalement destinées à la fonction de capitalisation et aux promotions nationales et internationales. Le réseau d’acteurs est en effet le lieu de la mise en commun des disciplines, des expertises et des moyens requis pour apporter des solutions aux difficultés rencontrées, mais aussi pour renouveler la fabrique urbaine en décloisonnant les filières et en croisant les approches. L’association sera le lieu de l’intégration de l’ensemble des thématiques à aborder.
Les premiers chantiers à initier
La concertation menée dans le cadre de la mission de préfiguration a permis de définir, autour des quatre missions, les premiers éléments d’un programme de travail partenarial à valider dès la première assemblée générale. Un appel à manifestation d’intérêt (AMI) « Innovations pour la ville durable » sera lancé conjointement par les ministères en charge de l’écologie et du logement avec le soutien du Commissariat général à l’investissement (CGI), pour faire émerger puis développer des sites de démonstration qui expérimenteront de nouveaux modes de conception et de gestion de projets urbains complexes intégrés dans une perspective de développement urbain durable. Le réseau d’acteurs doit pouvoir disposer d’une plateforme pour permettre les échanges d’information entre ses membres. Ainsi, l’objectif est de créer un centre de ressources national disposant rapidement d’une cartographie nationale des réalisations françaises (et internationales) à remarquer, d’un référencement des outils et des méthodes pour mieux organiser leur convergence, d’un recensement des appels à projets et autres programmes européens, nationaux, régionaux avec les aides et financements associés, afin de mieux orienter les acteurs. Ce chantier consiste à interfacer et agréger les données d’observatoires (publics) déjà disponibles, mais croisées sous l’angle d’une analyse des fonctions urbaines qui importent la ville (d’une part, les services au territoire en termes de cadre de vie pour la population, les données du logement et de l’attractivité, les données de l’emploi ; d’autre part, l’empreinte sur le territoire en termes d’innovation -y compris les modèles économiques en coût global, d’impact environnemental, entre maîtrise et performance, et de déploiement commercial- croissance verte). Il est proposé de créer un parcours de formation spécifiquement tourné vers les enjeux de la ville durable. Ce parcours sera conçu et piloté en partenariat avec l’Ihedate par les équipes de l’IVD. Ainsi, il favorisera la rencontre entre les auditeurs Ihedate et le réseau « Vivapolis, l’Institut pour la ville durable », et permettra de former les acteurs à l’utilisation d’outils et à des démarches tournées vers l’émergence d’une approche systémique intégrée. La marque Ombrelle qui visait à valoriser le savoir-faire français à l’export va pouvoir bénéficier d’une structure, se connecter aux actions internationales, et, au niveau européen, aux acteurs impliqués à l’international, notamment Business France, Expertise France PFVT et AFD.
Franck FAUCHEUX
Ingénieur architecte, chargé de mission au sein de la mission de préfiguration de l’Institut pour la ville durable.